En Bref - Évaluation des interventions cliniques en gestion de l’insomnie

HT0003-OP0527

Messages-clés

  • L’efficacité et l’innocuité des interventions pharmacologiques ou non pharmacologiques compares à d’autres interventions pour la gestion de l’insomnie sont incertaines.
  • La thérapie cognitivocomportementale pour l’insomnie semble être efficace dans l’amélioration des résultats de sommeil et ne semble comporter que des effets indésirables minimes
  • Le traitement de courte durée (c.- à -d. un traitement qui est habituellement d’une durée de 16 semaines ou moins) comprenant le zolpidem, le triazolam ou la doxépine semble apporter une amelioration des résultats de sommeil. L’efficacité et l’innocuité à long terme de ces interventions sont inconnues.

Contexte

L’insomnie est un trouble du sommeil caractérisé par une insatisfaction quant à la quantité ou la qualité du sommeil, des difficultés d’endormissement, de maintien de sommeil, ou de réveil tôt le matin. Elle peut être aigue (c.-à-d. d’une durée inférieure à trois mois) ou chronique. Environ 40% des adultes canadiens de 18 ans et plus ont connu au moins un symptôme de l’insomnie trois fois par semaine et environ 13 % de la population canadienne répond aux critères d’un trouble de l’insomnie. L’insomnie persistante peut avoir des effets négatifs, tels que des problèmes d’attention et des troubles de mémoire ou de l’humeur : elle peut affecter les relations et elle peut affecter la capacité à travailler ou à effectuer les activités quotidiennes normales. L’insomnie peut être un facteur de risque pour d’autres troubles de santé mentale.

Technologie

Les traitements médicamenteux et non médicamenteux ( psychologiques et comportementaux) ont été utilisés dans la gestion de l’insomnie, seuls ou en association. De nombreux médicaments hypnotiques et sédatifs sont indiqués dans le traitement de l’insomnie, comme les benzodiazépines (p. ex., le témazépam ou le bromazépam); les non-benzodiazépines (p. ex., le zopiclone, le zolpidem); et la doxépine, un antidépresseur sédatif. Il existe d’autres médicaments couramment prescrits pour l’insomnie, bien qu’ils ne sont pas nécessairement autorisés pour cette condition (p. ex., la quétiapine, la trazadone et les benzodiazépines anxiolytiques). La thérapie cognitivocomportementale pour l’insomnie (TCCi) est un exemple de thérapie non médicamenteuse; elle est une intervention multidisciplinaire associant plusieurs techniques (p. ex., restriction du sommeil, formation à la relaxation et éducation au sommeil) et peut être livrée en plusieurs formats (p. ex., en ligne, en personne ou autoguidée).

Enjeu

Les médicaments pour l’insomnie sont facilement accessibles et sont largement rembourses par les payeurs publics et privés. Ils sont couramment utilisés pour des durées plus longues que ce qui est indiqué et ont des effets secondaires indésirables connus (p. ex., la dépendance, la somnolence matinale). La TCCi est généralement considérée sans risque et est recommandée comme traitement de première intention par les guides de pratique clinique; cependant, sa disponibilité au Canada est limitée et elle peut être couteuse pour les patients, car elle n’est pas systématiquement remboursée par les régimes d’assurance. Un examen de l’efficacité clinique, de l’efficacité comparative et de l’innocuité des interventions pharmacologiques ou non pharmacologiques chez les patients souffrant d’insomnie aidera à orienter les décisions de traitement pour cette population de patients.

Méthodologie

Une revue des revues systématiques (RS) a été menée afin d’évaluer l’efficacité clinique, l’efficacité comparative et l’innocuité des interventions pour l’insomnie. La qualité des revues a été déterminée à l’aide de l’outil de mesure « A Measurement to Assess systematic Reviews (AMSTAR) 2 ». Une analyse des pratiques actuelles des prescripteurs ainsi qu’un rapport des points de vue et des expériences des soignants et des patients ont été menés séparément.

Résultats

La recherche documentaire a relevé 64 RS qui satisfaisaient aux critères d’inclusion de cette analyse, dont 35 contenaient une métaanalyse (RS + MA). Une métaanalyse est une méthode permettant de combiner des données provenant de multiples études en une seule estimation ou résultat, ce qui représente une façon statistique d’intégrer les résultats provenant de sources multiples. Les RS relevées comprenaient des données sur 11 médicaments différents et huit interventions non médicamenteuses différentes. Neuf résultats sur l’efficacité et sept résultats sur les méfaits ont été évalués.

La revue en a constaté la conclusion suivante, fondée sur des comparaisons entre les différentes interventions :

  • En raison de données comparatives de qualité limitée ou modérée, cet examen n’a pas pu conclure que l’un ou l’autre des médicaments ou interventions non médicamenteuses était plus efficace en comparaison à d’autres interventions médicamenteuses ou non médicamenteuses. Il sera nécessaire de réaliser plus de recherche de haute qualité pour évaluer l’innocuité et l’efficacité comparatives.

L’étude en a constaté les conclusions suivantes, fondées sur la comparaison d’une intervention à un groupe témoin inactif (c.-à-d. ceux qui n’ont reçu aucun traitement ou placébo) :

  • La TCCi (seule ou combinée avec d’autres interventions non pharmacologiques) et la thérapie comportementale multicomposantes a résulté en une amélioration de plus d’un résultat de sommeil par rapport aux témoins inactifs dans l’ensemble des RS + MA de qualité modérée ou de haute qualité. Ces mesures non médicamenteuses sont reconnues pour n’avoir que peu d’effets indésirables fréquents et sans gravité, voire pas du tout.
  • Des traitements de courte durée (inférieur ou égaux à 16 semaines en moyenne) de zolpidem, triazolam et doxépine ont amélioré plus d’un résultat de sommeil chez les adultes souffrant d’insomnie par rapport au placébo, en se fondant sur des RS + MA de qualité modérée ou de haute qualité.
  • Tous les autres médicaments évalués ont eu une incidence sur un ou aucun résultat de sommeil par rapport au placébo, en se fondant sur des RS + MA de qualité modérée ou de haute qualité
  • Il n’y a pas de données robustes sur l’innocuité des interventions médicamenteuses, y compris des effets indésirables graves tels que la mortalité. Les données à long terme sur l’efficacité et l’innocuité des interventions médicamenteuses sont inconnues en raison du manque d’essais s’étendant au-delà de 16 semaines. Davantage de recherches sont requises pour évaluer l’efficacité à long terme et l’innocuité des interventions médicamenteuses pour l’insomnie

Il est à noter que la signification clinique des améliorations observées dans les symptômes de l’insomnie est mal comprise et manque de précision, ce qui se traduit par l’impossibilité d’interpréter l’incidence significative des résultats de sommeil chez les patients. Comparer l’intervention au groupe témoin inactif ne permet pas de déterminer l’intervention la plus efficace. Il sera nécessaire d’obtenir des données comparatives supplémentaires pour trancher cette question. Il y a peu de données sur les interventions pour l’insomnie dans des populations particulières, comme les personnes âgées. Aussi, dans la revue des RS, il y a peu ou pas de comparaisons concernant la posologie ou la méthode d’administration des interventions. Tous les résultats d’efficacité et d’innocuité n’ont pas été évalués dans chaque revue et plus de 50 % des RS retenues étaient de qualité faible ou très faible. Par conséquent, les résultats de cet examen doivent être interprétés avec prudence.

En résumé : la TCCi semble efficace et n’avoir que des effets indésirables minimes. Quelques médicaments (zolpidem, triazolam, et doxépine) semblent efficaces à court terme (durée inférieure ou égale à 16 semaines), mais sans certitude sur l’efficacité ou l’innocuité à long terme.